Concession : entre flexibilité de la définition du besoin et inapplicabilité des offres anormalement basses
Dans un arrêt du 26 février 2020 (n°436428), le Conseil d’Etat précise que l’absence d’indication concernant la limite quantitative des prestations supplémentaires pouvant être commandées par l’autorité concédante ne méconnaît pas le principe de la définition préalable de l’étendue de ses besoins par l’autorité concédante et que la prohibition des offres anormalement basses (OAB) n’est pas applicable aux contrats de concession.
Précision sur l’obligation de définition préalable de l’étendue du besoin
Dans cette affaire, le Conseil d'Etat était saisi d'un pourvoi dirigé contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble annulant, sur le fondement des dispositions de l’article L.551-1 du code de justice administrative, la procédure de passation d'une concession de services relative aux mobiliers urbains d'une commune.
Le juge des référés s’était fondé sur le fait que le règlement de la consultation autorisait la personne publique à commander des prestations supplémentaires sans que la limite quantitative de ces prestations ne soit indiquée alors ces prestations étaient évaluées au titre du critère n° 8 « coûts supplémentaires pour la commune » évalués sur la base du coût d’achat de diverses prestations supplémentaires que les candidats devaient indiquer dans un tableau fourni en annexe du règlement de consultation. Pour le juge des référés, la commune avait insuffisamment défini l'étendue du besoin et s'était ainsi réservée une marge de choix discrétionnaire ne garantissant pas l’égalité de traitement des candidats et la transparence de la procédure.
Le Conseil d'Etat annule l'ordonnance attaquée pour erreur de droit au motif qu’ il est « loisible à l’autorité concédante, lorsqu'elle estime qu'elle pourra être placée dans la nécessité de commander des prestations supplémentaires au cours de l'exécution du contrat, sans être en mesure d'en déterminer le volume exact, de prévoir, au stade de la mise en concurrence initiale, un critère d'appréciation des offres fondé sur la comparaison des prix unitaires proposés par les candidats pour ces prestations » dès lors, comme cela était le cas en l’espèce, qu’un bordereau de prix unitaires figurant en annexe du cahier des charges de la concession que les candidats doivent remplir permet de comparer les pris unitaires des différentes offres et qu’au surplus, les candidats admis à concourir sont à même de demander des précisions sur ce point à l’autorité concédante s’ils l’estiment souhaitable.
La Haute juridiction valide ainsi la possibilité de prévoir la réalisation de prestations supplémentaires en cours d’exécution du contrat de concession sans en déterminer le volume exact au regard du principe de détermination de la nature et de l’étendue des besoins à satisfaire avant le lancement de la consultation prévu par l’article L.3111-1 du Code de la commande publique (anciennement Ord., n°2016-65, 29 janv. 2016, art. 27).
Cette possibilité s’accompagne de l’obligation de prévoir dans le cahier des charges de la concession un bordereau de prix unitaires des prestations supplémentaires précisément définies à réaliser par le titulaire que les candidats doivent remplir et permettant les offres des candidats.
Cette décision est à rapprocher de précédentes affaires dans lesquelles le Conseil d’Etat avait au contraire retenu une insuffisante définition du besoin par l’autorité concédante.
Ainsi, le Conseil d'Etat a retenu une insuffisance définition du besoin par l'autorité concédante qui n'a prévu qu'une durée maximale de la concession, laissant aux candidats le soin de préciser la «durée effective » adaptée aux solutions techniques et aux investissements envisagés dans leurs offres (CE, 15 nov. 2017, n° 412644).
Dans une autre espèce, qui concernait également une concession de services relative au mobilier urbain, l'imprécision de la définition du besoin tenait aux « services annexes » pris en compte à hauteur de 30% au titre du critère de la valeur technique des offres, critère lui-même assorti d'une pondération importante dans l'évaluation des offres. Les prestations complémentaires facultatives n'étaient pas décrites. Seuls des exemples non limitatifs de services annexes susceptibles d'être proposés étaient énoncés. La nature et l'étendue du besoin n'étaient dès lors pas précisément définies, entachant d'irrégularité la procédure de passation du contrat (CE, 15 déc. 2008, n° 310380).
Offres anormalement basses et concessions
Par ailleurs, le Conseil d'Etat précise un autre point important du régime des contrats de concession, qui le démarque de celui des marchés publics : « la prohibition des offres anormalement basses et le régime juridique relatif aux conditions dans lesquelles de telles offres peuvent être détectées et rejetées ne sont pas applicables, en tant que tels, aux concessions ».
Au demeurant, selon le Conseil d’Etat, il ne résultait pas de l’instruction que la réalisation des prestations supplémentaires aux prix unitaires proposés était à l’évidence de nature à compromettre la bonne exécution de la concession.
Pour rappel, aucune disposition du code de la commande publique relative aux contrats de concessions ne prévoit la prohibition des offres anormalement basses.
Toutefois, par l’emploi de l'expression « en tant que tels» et par la précision que les prix proposés par l’attributaire du contrat n’étaient manifestement pas en l’espèce susceptibles de compromettre la bonne exécution de la concession, le Conseil d’Etat semble ne pas écarter la possibilité pour le juge de contrôler l’existence d’une offre anormalement basse selon une méthode adaptée aux spécificités du contrat de concession.