Effet du caractère définitif du décompte général du marché sur l'appel en garantie du titulaire exercé par le maître d'ouvrage
Dans un arrêt du 27 janvier 2020 (n°425168), le Conseil d’Etat a rappelé l’effet du caractère définitif du décompte général du marché sur l’appel en garantie du titulaire exercé par le maître d’ouvrage.
Dans cette affaire, le centre hospitalier de Libourne avait conclu, pour la construction d’un établissement pour personnes âgées dépendantes, un marché de maitrise d’œuvre avec un groupement solidaire d’entreprises. Un candidat évincé de l’appel d’offres pour l’attribution d’un des lots du marché de travaux avait demandé la condamnation du centre hospitalier à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière.
En première instance, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier à indemniser le candidat évincé et le groupement de maitrise d’œuvre à garantir le centre hospitalier de cette condamnation à 100%. En appel, les juges ont réduit la garantie du groupement de maîtrise d’œuvre à 40% de la condamnation.
Pour écarter le moyen tiré de l’irrecevabilité des conclusions d’appel en garantie soulevé par le groupement de maîtrise d’œuvre, la cour administrative d’appel avait jugé que l’intervention du décompte général du marché de maitrise d’œuvre ne pouvait faire obstacle à la recevabilité de ces conclusions.
Le Conseil d’Etat a censuré l’arrêt de la cour administrative d’appel pour erreur de droit.
Dans un premier temps, il rappelle la jurisprudence selon laquelle «l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l’établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Toutes les conséquences financières de l’exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu’elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Toutefois, la circonstance que le décompte général d’un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d’appel en garantie du maître d’ouvrage contre le titulaire du marché, sauf s’il est établi que le maître d’ouvrage avait eu connaissance de l’existence du litige avant qu’il n’établisse le décompte général du marché et qu’il n’a pas assorti le décompte d’une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige » (v., par ex., CE 6 nov. 2013, n° 361837, Région Auvergne, Lebon ; CE 6 mai 2019, n° 420765, Société Icade Promotion (Sté), Lebon).
En application de cette jurisprudence, le Conseil d’État considère que « lorsqu’un maître d’ouvrage, attrait par un concurrent évincé devant le juge administratif, et ainsi nécessairement informé de l’existence d’un litige, après avoir appelé en garantie le maître d’œuvre, signe avec celui-ci, sans l’assortir de réserve, le décompte général du marché qui les lie, le caractère définitif de ce dernier a pour effet de lui interdire toute réclamation correspondant à ces sommes».
Or, en l’espèce, le décompte général du marché de maitrise d’œuvre avait été établi postérieurement à l’appel en garantie, sans réserve, et à une date à laquelle le maître d’ouvrage avait nécessairement connaissance d’un litige l’opposant au maître d’œuvre.